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Éditorial
L’histoire de l’enfance juive peut‑elle s’écrire comme n’importe quelle autre page d’histoire ? C’est l’une des importantes questions soulevées par le dossier « Des enfants comme les autres ? Enfances juives en France à l’époque contemporaine », coordonné par la chercheuse Laura Hobson Faure.
Pour chacun d’entre nous, en effet, l’image de l’enfance juive a été de plus en plus identifiée, au fil des décennies, à celle de la Shoah. Les travaux historiques, mais aussi les livres de témoignages, la littérature, le cinéma, les procès de plusieurs bourreaux nazis et de responsables du régime de Vichy, sans compter les politiques mémorielles, ont contribué à faire de l’enfant juif un symbole des millions de victimes du génocide. Les plaques commémoratives rappelant les noms d’enfants juifs déportés, apposées à partir de la fin des années 1990 sur les murs de nombreux établissements scolaires à Paris et dans d’autres villes de France, témoignent de la disparition, ainsi que de la présence dans la mémoire collective, des innocents assassinés.
Comme l’ont montré les historiens, les psychanalystes, les psychologues en Europe et outre-Atlantique, la Shoah traverse plusieurs générations. Ivan Jablonka a proposé la notion d’« enfant-Shoah » pour évoquer l’impact du génocide, au-delà de la guerre, sur les enfants survivants, mais aussi sur leurs propres enfants, sur les enfants des victimes, mais aussi sur leurs petits-enfants, porteurs jusqu’à aujourd’hui d’une « post-mémoire » (Marianne Hirsch).
Dans ce nouveau dossier d’Archives juives, « Des enfants comme les autres ? », Laura Hobson Faure propose de déborder davantage encore du cadre chronologique et thématique de la Shoah pour étudier les enfants juifs sur le temps long, en incluant bien évidemment le génocide et son héritage, mais aussi en envisageant la banalité de leur expérience quotidienne : une histoire pour-ainsi-dire à hauteur d’enfant qui, comme c’est toujours le cas quand il s’agit de l’histoire des enfants, donne à voir des vies fragiles. L’entreprise n’était pas dénuée d’obstacles, car l’enfance se laisse difficilement saisir dans les archives. Les contributeurs de ce dossier ont incontestablement remporté le défi. Quant à l’iconographie, en grande partie inédite, elle est issue de fonds très riches, qui pourraient donner lieu à de nouvelles explorations.
Dans la rubrique « Mélanges », Cédric Perrin livre une intéressante étude socio-historique des cadres de la Ligue franc-catholique, qui fut un acteur de la nébuleuse antijudéo-maçonnique particulièrement virulent pendant l’entre-deux-guerres et la période de Vichy.
Pour le « Dictionnaire », Elie Tenenbaum s’est penché sur David Galula, un officier, diplomate et théoricien militaire dont la pensée a connu un regain d’influence sur le débat stratégique américain ces toutes dernières années.
Enfin, Nadia Malinovich et Yves Chevrefils Desbiolles apportent dans la rubrique « Lectures » un éclairage sur l’actualité de la recherche en Amérique du Nord.
Par V.Assan et H.Knörzer
Sommaire
Dossier : Des enfants comme les autres ? Enfances juives en France à l’époque contemporaine
Des enfants comme les autres ? Écrire l’histoire des enfants juifs en France à l’époque contemporaine. Introduction par Laura Hobson Faure
Pas de résumé disponible pour l’instant.
Entre loi juive et loi française : le divorce et le droit de garde des enfants juifs russes au début du XXe siècle par Géraldine Gudefin
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/ Between Jewish law and French law: Divorce and child custody among Russian Jews in the twentieth century
/ After 1905, civil courts refused to legislate in a definitive manner on child custody cases between Russian Jews for two decades. The impossibility of getting divorced, combined with legal constraints on married women stemming from the French Civil Code negatively affected custody outcomes for Russian Jewish women, as well as French women who became Russian by marriage. Focusing on this issue of child custody cases between Russian Jewish couples, this article explores the impact of judicial pluralism on the children born of immigrant Jewish families in France in the early twentieth century.
Au-delà du paroxysme ? L’expérience des enfants juifs au prisme de l’histoire de l’enfance par Manon Pignot
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/ Beyond the ultimate horror? The experience of Jewish children in the prism of the history of childhood
/ Too often disconnected from one another, the historiography of Jewish childhood and of childhood more broadly are actually very similar to one another. They have evolved at the same rhythm, with the first paving the way for the second in terms of sources and lines of inquiry. For those who are interested in childhood experiences of war in the twentieth century, the moment always comes when historical reflection is confronted with the ultimately horrific moment of the genocide of the Jews of Europe during World War II. Reconciling fundamentally different childhood experiences through historical study is, nevertheless, possible.
La famille après la Shoah : les maisons d’enfants à l’épreuve de la reconstruction par Daniella Doron, Traduction : Valérie Assan
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/ Family after the Holocaust: Children’s homes and the challenge of reconstruction
/ This article examines the crisis that confronted French Jewry as it struggled to reconstruct families that had been torn asunder by the war in the first few years following the Liberation. At the moment when politicians and psychologists throughout Europe promoted the family as instrumental to social reconstruction, Jewish child welfare activists preferred a collectivist approach. This article focuses on the debates, as well as the policies and educational programs instituted by postwar child welfare workers, as they experimented with new models for social organization.
Entre aide sociale et transmission : les colonies de vacances juives (des années 1930 à nos jours) par Katy Hazan
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/ Between social assistance and transmission: Jewish summer camps (from the 1930s to the present)
/Established at the end of the 19th century, as a priority for the working classes and an integral part of the social protection of children, summer camps were for a long time the responsibility of municipalities, private associations or even parishes, until the welfare state took an interest in them. The same evolution can be found in the Jewish world. Summer camps, day camps, patronages, have been concerned with taking care of children outside school hours, either to relieve parents, or for specific educational support, or for a more sanitary purpose, as was the case with the OSE. Each organization has its own place to welcome children, which becomes a reference point for thousands of children. From the aftermath of the war to the 2000s, they structured Jewish youth by communicating collective values.
Les associations d’anciens de la Commission centrale de l’enfance : identités générationnelles et mémoires concurrentes
Par Zoé Grumberg
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/ The Associations of the Former Children of the Commission Centrale de l’Enfance (CCE): Generational identities and competing memories)
/ In the 1990s, two groups of former children of the Commission centrale de l’enfance (CCE), an organization dedicated to children founded in 1945 by the Yiddish-speaking communist Jewish organization, Union des Juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE), created two different associations with commemorative and historical objectives. This article questions the influence of two different histories on generational identity (Clifford, 2017), that of the Holocaust orphans who grew up in the CCE homes and that of the children who lived with one or both of their parents and participated only occasionally in the CCE’s socializing forums. This article suggests that the main difference between the collective memories and identities of these two associations can be located in the political dimension.
Effacement et résurgence d’une mémoire juive d’Algérie par Benjamin Stora
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/ From a separate history to an integrated history?
/ This article returns to the gradual formation of the history of the Jews in France as a the field of knowledge, backed by authentic documents, throughout the nineteenth century. Inspired by the methods developed by historians of the “archival turn”, this contribution aims to capture the way documents kept in the major French archives and libraries were progressively identified and interpreted as “sources for the history of the Jews in France”. In so doing, these scholars sought to build a history, no longer “separate” but “integrated”, of the Jews, particularly in medieval France.
Mélanges
La Ligue franc-catholique dans les années 1930 : sociologie et sociabilités militantes d’une génération de l’antijudéo-maçonnisme par Cédric Perrin
Dictionnaire
David Galula, militaire de carrière et « passeur » stratégique
(Sfax, 10 janvier 1919 – La Norville (Essonne), 11 mai 1967) par Élie Tenenbaum
Lectures
Lectures par Nadia Malinovich et Yves Chèvrefils Desbiolles